LLM : comprendre les enjeux des grands modèles de langage en entreprise

Les modèles de langage de grande taille, ou LLM (Large Language Models), suscitent un intérêt croissant dans le monde professionnel. Ces modèles, conçus pour comprendre et générer du langage naturel, ouvrent de nouvelles perspectives en matière de productivité, d’automatisation et de valorisation des données textuelles — qu’il s’agisse de contenus métiers, de documents internes ou même de code informatique. Marc Bordessoule, consultant expert en IA générative du réseau Colibee, nous éclaire sur les enjeux, opportunités et défis que représentent les LLM pour les organisations.

Les LLM : une révolution dans la continuité

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les LLM ne marquent pas une rupture totale, mais plutôt une évolution majeure dans la continuité des avancées en intelligence artificielle.

Cette innovation repose sur des réseaux neuronaux profonds, mais elle s’appuie sur une nouvelle approche : l’utilisation de modèles de langage déjà entraînés sur des corpus massifs, accessibles sans avoir à tout développer en interne.

Ce tournant s’explique notamment par la publication en 2018 de modèles comme BERT (développé par Google), qui ont marqué l’avènement des architectures de type « transformer » dans le traitement du langage naturel. Ces avancées ont permis de passer de modèles spécifiques, entraînés sur chaque tâche, à des modèles préentraînés, réutilisables, et adaptables à grande échelle.

Alors que les applications d’IA traditionnelles exigeaient d’importants volumes de données métiers et l’intervention de data scientists pour concevoir des modèles spécifiques, les LLM, depuis 2018, permettent un accès direct à des capacités avancées de traitement du langage, avec un effort de mise en œuvre beaucoup plus réduit.

Un mécanisme simple mais puissant

Le fonctionnement d’un LLM repose sur un principe statistique relativement simple : prédire le mot suivant dans une séquence. « Si je vous dis Joyeux Noël et Bonne, vous allez forcément penser au mot Année« , illustre Marc Bordessoule. C’est exactement ce processus que reproduit un LLM.

En s’appuyant sur un immense corpus de textes, il calcule statistiquement quel mot est le plus probable pour continuer la phrase, et génère ainsi un texte cohérent, mot après mot.

Trois grands domaines d’application en entreprise

Le collaborateur augmenté

Le premier usage désigne l’assistance apportée aux employés pour faciliter la rédaction et la production de contenus. Le collaborateur peut s’appuyer sur l’IA pour générer des textes à partir d’éléments de base. Cela inclut la rédaction de descriptions de produits, la création de synthèses, la reformulation ou encore l’extraction d’informations spécifiques contenues dans des documents.

Cette aide automatisée permet non seulement de gagner du temps, mais aussi d’améliorer la qualité et la cohérence des contenus produits. Le collaborateur augmenté ne remplace pas l’humain, mais le complète en simplifiant les tâches rédactionnelles répétitives ou complexes, pour un travail plus efficace au quotidien.

La valorisation des documents non structurés

 

Dans l'entreprise, 90% des données sont non structurée et souvent peu exploitées. Grâce aux LLM, il est désormais possible d'interroger ces documents, et d'en extraire des synthèses pertinentes. Marc Bordessoule, consultant IA générative, membre du réseau Colibee

Dans une entreprise, les données se divisent en deux grandes catégories : les documents structurés et les documents non structurés. Les documents structurés correspondent aux bases de données avec des formats bien définis, faciles à organiser en colonnes et en lignes. En revanche, les documents non structurés regroupent tous les contenus qui ne suivent pas un format prédéfini : mails, documents Word, PDF, notes, etc. Ces documents représentent environ 90 % des données en entreprise, mais ils sont souvent sous-exploités car difficiles à traiter informatiquement.

L’IA générative, grâce aux grands modèles de langage (LLM), permet désormais de valoriser ces documents non structurés. Elle est capable d’en extraire le sens et de l’organiser dans ce que l’on appelle des bases sémantiques. Concrètement, cela signifie que l’IA comprend le contenu, le classe et le rend accessible pour être interrogé facilement.

Par exemple, dans une entreprise, les documents relatifs aux règlements RH, aux consignes internes, ou même la boîte mail d’un collaborateur parti peuvent être analysés par un LLM. Celui-ci peut synthétiser les informations, répondre à des questions spécifiques ou aider à retrouver des recommandations importantes.

Cette capacité à exploiter les documents non structurés ouvre la voie à des applications concrètes, comme la création de chatbots intelligents. Ces agents conversationnels peuvent être connectés aux bases documentaires de l’entreprise — qu’il s’agisse de documents produits, d’informations marketing, ou des historiques du service après-vente — pour répondre efficacement aux questions des clients ou des collaborateurs.

Ainsi, la valorisation des documents non structurés grâce aux LLM représente une avancée majeure dans la gestion de l’information en entreprise, transformant des masses de données informelles en ressources exploitables et précieuses.

L’automatisation des tâches complexes

Les grands modèles de langage (LLM) ne se contentent pas de résumer, traduire ou générer des textes : ils sont également capables de planifier et d’exécuter des tâches de manière autonome. Cette capacité ouvre la porte à l’automatisation de processus en entreprise qui étaient jusque-là difficiles, voire impossibles, à automatiser.

Par exemple, certains processus simples comme la gestion des notes de frais sont déjà partiellement automatisés : un document est soumis, vérifié rapidement (montant, facture jointe) et la demande peut être validée automatiquement. Cependant, dès que les processus deviennent plus complexes, l’automatisation traditionnelle atteignait ses limites.

Avec l’intelligence embarquée des LLM, il devient possible de décomposer des tâches en sous-actions, puis de les exécuter automatiquement, ce qui permet d’automatiser des flux de travail plus sophistiqués. Ainsi, les tâches manuelles que les collaborateurs réalisaient auparavant peuvent désormais être prises en charge par des systèmes intelligents, améliorant l’efficacité et libérant du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée.

Transformation des métiers : quels impacts ?

Amélioration de la productivité

Dans un premier temps, les LLM agissent comme de véritables amplificateurs de productivité pour les collaborateurs. Plutôt que de remplacer immédiatement les fonctions existantes, ils viennent épauler les professionnels dans leurs tâches quotidiennes en les rendant plus rapides et plus efficaces.

Cependant, malgré leurs avancées impressionnantes, les LLM ont des limites importantes qu’il faut garder à l’esprit dans leur utilisation.

Les limites à connaître

Absence d’émotion et de créativité

Les LLM ne disposent pas d’émotions et ne peuvent pas faire appel à la sensibilité humaine. Ils sont également limités dans leur capacité d’innovation : « Tout ce qui est inventer quelque chose de nouveau qui n’a jamais été fait, ça, elle ne sait pas faire par construction. »

Les LLM sont des outils purement algorithmiques qui n’ont ni émotions ni conscience. Ils ne peuvent donc pas reproduire la sensibilité humaine, essentielle notamment dans les domaines qui requièrent de l’empathie, une compréhension fine des contextes humains ou des jugements moraux. De plus, bien que très performants pour générer du contenu à partir d’informations existantes, ils restent limités en termes d’innovation pure.

Par nature, les LLM ne sont pas conçus pour inventer des idées ou des créations entièrement inédites. Ils ne peuvent pas générer des œuvres ou concepts totalement originaux qui n'ont jamais existé. Marc Bordessoule, consultant IA générative, membre du réseau Colibee

Le risque d’hallucination

Un autre défi majeur est celui des « hallucinations ». Ce terme désigne la tendance des LLM à générer des réponses convaincantes, mais factuellement erronées ou inventées, surtout lorsqu’ils manquent d’informations suffisantes sur un sujet donné. Plutôt que d’admettre une ignorance, ces modèles continuent souvent à produire du contenu, ce qui peut induire en erreur l’utilisateur. C’est pourquoi il est crucial de ne pas considérer les LLM comme des substituts complets aux experts humains. Des méthodes existent néanmoins pour limiter ce phénomène, comme l’utilisation combinée de plusieurs LLM qui se vérifient mutuellement, ou l’intégration de mécanismes de contrôle humain pour valider les réponses générées.

Enjeux de sécurité et de confidentialité

L’adoption des LLM dans les entreprises implique une question cruciale : où et comment exécuter cette puissance de calcul ? Deux grandes approches s’offrent aux organisations, chacune avec ses avantages, ses contraintes techniques et ses implications en matière de sécurité et de confidentialité.

L’approche cloud : simplicité et accessibilité

Dans cette configuration, l’entreprise fait appel à un fournisseur externe – comme OpenAI, Google ou Anthropic – pour héberger le LLM. Lorsqu’un utilisateur pose une question ou soumet des données, ces informations sont envoyées via Internet aux serveurs du prestataire, qui traite la demande grâce à sa propre infrastructure informatique, puis renvoie la réponse.

C’est le mode de fonctionnement que la plupart des utilisateurs connaissent avec des outils comme ChatGPT : aucune machine puissante n’est nécessaire en local, la complexité est gérée côté fournisseur.

Cependant, cette solution soulève un enjeu majeur : la circulation des données hors de l’entreprise. Toute information transmise au modèle est envoyée sur les serveurs du prestataire, ce qui pose des questions de confidentialité, de conformité réglementaire (RGPD, par exemple) et de gestion du risque.

Pour encadrer cette exposition, les entreprises doivent s’assurer de disposer de contrats de confidentialité solides avec le fournisseur du LLM. Ces contrats doivent garantir que les données transmises ne seront ni stockées, ni utilisées à d’autres fins (comme l’entraînement du modèle), ni partagées avec des tiers. L’exigence de transparence et de contrôle est ici primordiale, en particulier dans les secteurs sensibles (banque, santé, industrie stratégique…).

L’approche locale : contrôle maximal, mais complexité accrue

Une autre voie consiste à héberger le LLM directement au sein de l’entreprise, sur ses propres serveurs ou infrastructures cloud privées. Cette option est rendue possible par l’émergence de modèles open source (comme LLaMA, Mistral ou Falcon) que les entreprises peuvent télécharger, adapter et exécuter en interne.

L’intérêt principal de cette solution est que les données ne sortent jamais du périmètre de l’organisation. Cela garantit une confidentialité maximale, un meilleur contrôle sur les flux d’information, et permet parfois de répondre plus facilement aux exigences réglementaires ou aux contraintes sectorielles.

Mais cette autonomie a un coût : faire tourner un LLM nécessite une infrastructure technique robuste, incluant des capacités de calcul importantes (GPU, serveurs dédiés), ainsi qu’une équipe experte pour gérer l’installation, l’adaptation, la maintenance et la sécurisation du modèle. C’est une stratégie plus complexe, plus onéreuse, mais aussi plus durable à long terme pour les organisations matures ou ayant des enjeux critiques de confidentialité.

Les défis du passage en production

De l’expérimentation à la réalité

De nombreuses entreprises explorent aujourd’hui le potentiel des modèles de langage (LLM) à travers des expérimentations ou des projets pilotes. Cependant, le passage de l’expérimentation à un déploiement en production demeure un enjeu majeur. « Il y a beaucoup de projets qui ne passent pas en production parce qu’il faut les repenser complètement », observe Marc Bordessoule.

La clé du succès réside dans une architecture technique pensée dès le départ pour la montée en charge, contrairement aux projets pilotes qui peuvent se révéler inadaptés à un déploiement à grande échelle.

L’accompagnement de Marc Bordessoule, consultant IA générative, membre du réseau Colibee

Pour accompagner les entreprises dans l’intégration réussie des modèles de langage (LLM) et de l’IA générative, Marc Bordessoule, expert du réseau Colibee, propose une approche complète et sur mesure qui s’appuie sur ses compétences techniques et son expérience terrain.

Une expertise technique et fonctionnelle au service de l’innovation

Marc mobilise ses connaissances approfondies en technologies Cloud natives, microservices, conteneurs, ainsi que sa maîtrise des outils d’IA générative (LLM, agents autonomes, LangChain, Weaviate, etc.) pour concevoir et développer des plateformes robustes et scalables. Cette expertise lui permet de transformer les enjeux métiers en solutions techniques adaptées, tout en optimisant les coûts et la performance.

Un accompagnement structuré pour chaque étape

  • Compréhension des besoins métiers et identification des opportunités IA : analyse des processus existants et cartographie des cas d’usage prioritaires.

  • Formation et sensibilisation des équipes : programmes sur mesure adaptés à la direction, aux métiers et aux équipes IT, incluant ateliers pratiques et démonstrations.

  • Développement agile de Proofs of Concept et prototypes : intégration de l’IA générative dans l’écosystème IT de l’entreprise, avec gestion complète de projet et adaptation aux contraintes spécifiques.

  • Support continu et maintenance : accompagnement après déploiement pour assurer la pérennité et l’évolution des solutions.

Conclusion

En résumé, les LLM représentent une avancée majeure pour les entreprises, ouvrant de nouvelles possibilités en matière de productivité, d’automatisation et de valorisation des données. Leur intégration, bien que porteuse de promesses, nécessite une compréhension fine des enjeux techniques, humains et sécuritaires. Grâce à une expertise adaptée et un accompagnement structuré, les organisations peuvent ainsi tirer pleinement parti de ces technologies innovantes, tout en maîtrisant leurs risques et en assurant un déploiement efficace et pérenne. . L’avenir des LLM en entreprise s’annonce donc prometteur, à condition de les aborder avec pragmatisme et anticipation.

Publié le 16 juillet 2025
Partagez cet article